En 2013, pensant que la  technologie de l’analyse ADN était plutôt intéressante, Simon Smith a envoyé un échantillon de salive à une société de tests ADN pour en savoir plus sur son histoire familiale.

Les résultats du test ADN révèlent une histoire familiale dépassant tout ce qu’il aurait pu imaginer.

Les résultats ont permis à la famille de Simon Smith de découvrir que ses ancêtres étaient étroitement liés à une clinique de fertilité, dirigée par le docteur Mary Barton et son mari, Bertold Wiesner, qui était située à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ils ont découvert que Wiesner avait donné son propre sperme à un grand nombre de ses clients, ce qui le lie à environ 600 enfants nés sur une période d’environ 20 ans. Parmi ces enfants figure la mère de Simon, Adrianne Smith.

Lorsque Simon a soumis son échantillon d’ADN, il a accepté d’être contacté par les personnes qui découvriraient leur lien de parenté avec lui. Il a donc reçu des dizaines de messages de supposés cousins au quatrième degré, bien qu’il ait fini par ne plus ouvrir les messages car il en recevait bien trop pour pouvoir les gérer seul.

Mais en décembre 2014, Simon a reçu un courrier électronique d’une certaine Lyssa McGowan qui prétendait être sa cousine au premier degré.

Personne dans la famille de Simon n’avait entendu parler des McGowan, bien que certains détails de son histoire lui semblaient familiers. Des tests ADN distincts montrent qu’Adrianne, la mère de Simon, et Caryl Blumenthal, la mère de Lyssa, sont nées au Royaume-Uni. Ils ont également découvert que toutes deux étaient majoritairement juives ashkénazes.

De plus, Lyssa a confirmé que sa mère était également née grâce à un programme de fertilité assistée. À ce stade, la famille de Simon ne savait toujours pas que le père biologique d’Adrianne n’était pas celui qui l’a élevée.

Les parents d’Adrianne, Louis et Millicent Pitt, formaient un couple aimant, il était donc inconcevable pour la famille d’envisager que Louis ait pu avoir une liaison secrète qui aurait donné naissance à une famille cachée en Angleterre. De plus, Louis étant en mauvaise santé, il n’était pas logique qu’il soit recruté comme donneur de sperme.

Simon a correspondu avec la famille McGowan pendant des mois avant qu’Adrianne n’écrive finalement à Caryl Blumenthal. Adrianne, qui a 75 ans et qui vit à Toronto, a déclaré que cela ne l’angoissait pas mais qu’elle était intensément curieuse d’en savoir plus sur la véritable histoire de sa famille. Caryl a répondu au courriel d’Adrianne quelques heures plus tard et les deux femmes sont rapidement devenues amies.

Le père biologique des 600 enfants

Au cours d’une de leurs conversations, Caryl s’est souvenue du nom « Barton », mais elle n’était pas sûre de l’identité de la personne ni même de la signification de ce nom.

Puis, en 2015, Louise, la fille d’Adrianne, a regardé par hasard un documentaire sur Mary Barton et sa clinique de fertilité à Londres, qu’elle a dirigée des années 1940 aux années 1960 avec son mari, Bertold Wiesner.

Le réalisateur du documentaire, Barry Stevens, qui avait alors 68 ans, a lui-même passé des années à essayer de rechercher son propre père biologique. C’est ce qui l’a conduit à la clinique de fertilité de Mary Barton. Pour vérifier sa théorie, il a retrouvé le fils du couple et lui a demandé de réaliser un test ADN, qui a révélé qu’ils étaient demi-frères.

Barry Stevens a également découvert que son père biologique, Bertold Wiesner, était lié biologiquement à plus de 600 enfants, ce qu’il a documenté dans deux films, « Offspring » et « Bio-Dad ». On pense que Wiesner lui-même a fourni son sperme à environ ⅔ des clients de la clinique.

Mary Barton et Bertold Wiesner

Barry Stevens s’est alors rapproché de quelques femmes qui connaissaient Barton. Elles se souviennent toutes que Barton leur avait dit de garder la procédure secrète. En effet, en 1945, le British Medical Journal a publié un article sur le travail du couple.

Le parlement britannique parlait de criminaliser l’insémination artificielle, affirmant qu’il s’agissait « d’une procédure affreuse qui encourageait l’adultère et interférait avec la nature ».

En 1948, l’archevêque de Canterbury a réuni une commission religieuse qui a conclu que l’insémination artificielle était « mauvaise par principe » et qu’elle constituait « une violation du mariage ». Puis, en 1958, un comité de la Chambre des Lords a déclaré que « les enfants conçus par insémination artificielle devaient être considérés comme illégitimes ».

Barry a précisé qu’il n’était pas certain que Mary fût au courant que son mari était le donateur principal de la clinique. Mais, qu’elle le sache ou pas, le secret était tout de même nécessaire.

600 frères et sœurs

La famille d’Adrianne a pris contact avec Barry et les deux ont fini par se rencontrer en 2016. Après avoir passé d’autres tests ADN de parenté, les résultats ont révélé qu’ils étaient également demi-frères et sœurs et que Bertold Wiesner était également le père biologique d’Adrianne.

Bien que les résultats aient révélé que l’homme qui a élevé Adrianne n’était pas son vrai père, elle affirme que ses sentiments à son égard n’ont pas changé et qu’elle l’aime toujours autant.

Au cours des cinq dernières années, Adrianne a réussi à trouver plus de 40 demi-frères et demi-sœurs dont l’âge varie entre 50 et 70 ans. Ils restent en contact par courrier électronique, se désignant collectivement sous le nom de « demi-frères et demi-sœurs », et ont mis au point un protocole pour accueillir les nouveaux membres du groupe.

Adrianne fait maintenant partie d’un mouvement politique en pleine expansion, en s’impliquant dans l’Alliance canadienne des donneurs-concepteurs. Ce groupe milite pour l’interdiction des dons anonymes de sperme et d’ovules et demande la conservation à long terme des dossiers médicaux des donneurs au profit des enfants conçus par ces derniers.

Aujourd’hui, au Canada, les donneurs sont tenus de répondre à un questionnaire sur leur santé. Toutefois, ces informations ne doivent être conservées que pendant dix ans, ce qui signifie qu’un enfant conçu par un donneur, ou ses parents, ne pourrait demander à accéder à son dossier médical que dans les dix ans qui suivent sa conception.

 

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